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11/02/2024

Masque

27 juillet 2020

  Je n’ai plus de masque et plus personne pour me contaminer. Mon voisin est mort hier. Il s’est réveillé cette nuit ; ces hurlements accompagnent ceux de sa femme morte il y a un mois déjà. Ils sont dans la cave, la porte est solide. Enfin je crois. Il semble que la maladie faute de combattant s’attaque maintenant aux chiens et aux chats. Lucifer mon Maine Coon essaie depuis deux heures de briser la porte-fenêtre du salon ; il n’a aucune chance. C’est du bon matériel, j’avais mis le prix. J’ai de quoi tenir encore un bon mois après…

2 août

Ce con de chat a réussi à rentrer, je lui ai mis un coup de pelle ; il n’a pas du tout apprécié. J’ai réussi à le bloquer dans la cuisine avec la bouffe…

4 août

Il me reste deux barres chocolatées…

5 août

Le facteur est passé ce matin ; il n’a pas sonné mais je l’ai entendu hurler. Juste le temps de me cacher.

6 août

Le facteur est repassé.

12 Août

J’ai faim. Je vais tenter une sortie ; mon mirabellier a bien donné précocement.

13 août

J’ai rampé jusqu’à l’arbre et je l’ai secoué le plus discrètement possible ; j’ai récupéré deux bons kilos de Mirabelles. Problème... Je n’ai pas vu débouler le pinscher nain du voisin, Floppy... Cette saloperie a réussi à me mordre au mollet. Je suis un peu inquiet.

15 août

J’ai mis le temps mais j’ai réussi ; j’ai bouffé Floppy ; ce petit salaud n’est pas prêt de me remordre… Etrangement pour exprimer mon contentement, il me semble que j’ai poussé un long cri…

16 août

Le facteur est repassé ; il ne repassera plus.

17 août

Lucifer ne gratte plus, les voisins ne hurlent plus, j’ai faim à hurler.

3 septembre

Mes hurlements me fatiguent ; j’aimerais sortir de ma maison mais je ne sais plus ouvrir une porte ; j’ai réussi à attraper quelques rats encore vivants ; un véritable régal…

5 septembre

J’ai oublié mon nom, Floppy peut-être… ça n’a plus vraiment d’importance… J’ai finalement réussi à sortir par la porte -fenêtre... Merci Lucifer… Pourquoi je dis ça ?

6 septembre

Peu de nourriture dehors, pas de quoi calmer ma faim inextinguible. Les rues sont jonchées de masques bleus dont l’utilité m’échappe…

11 septembre

Je fredonne en hurlant « Manhattan Kaboul », je ne sais pas pourquoi… Saloperie de virus.

14 septembre

Un groupe de petits hommes, des enfants je crois. Ils m’ont attaqué ; je les ai bouffés. Il me semble que je n’aimais pas les enfants (?)

11 novembre

Je m’aperçois avec étonnement que je suis un peu fatigué. Je fais une pause, je ne hurle plus.

Décembre

Il neige, mes hurlements s’étouffent, le monde est plus calme. Ce qui reste s’apaise un peu ; des regrets traversent un instant ce cerveau reptilien. Je sens encore une étincelle d’humanité et mes yeux poursuivent le cheminement d’un flocon. Il est tard, je m’allonge.

Janvier

Etrangement, j’ai croisé quelque chose qui me ressemblait. Il tenait dans sa main une sorte de verre et hurlait bonne année. Je l’ai mangé. Il aurait été sans doute meilleur, accompagné d’un bon Chianti. Chianti ?

La tempête s’est levée ; des millions de masques bleus forment des colonnes gigantesques et bruyantes. Depuis quelques jours, je n’ai plus faim.

Mars

Encore une belle journée… Tout cela m’a ouvert l’appétit. Je suis arrivé dans un lieu étrange ; de grands blocs ouverts et des millions de hurleurs. Je n’ai qu’à me servir pour déjeuner. Certains ne se laissent pas faire ; j’ai même failli me faire bouffer plusieurs fois ; l’endroit est dangereux, trop de monde, trop de cris.

1 avril

RAS

Avril

… ne te découvre pas d’un fil… comprends pas. Encore une pensée parasite.

Il pleut, il pleut, il pleut, il pleut. J’ai mal, je ne sais pas où, je ne sais pas pourquoi. Je pense encore donc… Donc quoi ? Les oiseaux sont à leur tour touchés. Les pies sont particulièrement agressives. Elles sont belles mais je ne saurais dire pourquoi.

Mai

J’ai croisé une « je ne sais plus » ; elle était comme les pies mais pas tout à fait pareille. Je l’ai mangée. Elle m’est restée sur l’estomac. Remord, amour, promenade le long des quais, jeunes filles qui passent, baisers, rendez-vous, tout cela ne veut rien dire et pourtant…

Juin

J’ai perdu un bras mais pas les dents c’est l’essentiel.

Juillet

Un sentiment diffus de joie m’a envahi puis s’est estompé aussi rapidement. Je suis face à la mer.

Août

Le vent s’est levé, le vent ?

Septembre

Je ne peux plus marcher ; je grogne encore un peu.

Octobre

Je ne pense plus.

 

 

 

 

 

 

 

19:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Ton long texte fait peur, tout semble déconnecté du réel ! bonne semaine.

Écrit par : elisabeth | 02/04/2024

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